Judith Hibbard, professeure émérite et membre du corps enseignant de l’Institute for Policy Research and Innovation, à l’Université d’Oregon, a mis au point et testé la mesure d’activation du patient en 2004. Le but était d’évaluer « les connaissances, les compétences et la confiance en soi d’une personne aux fins de la prise en charge de sa santé et de ses soins de santé. » Les patients répondent à un questionnaire et le score obtenu (entre 0 et 100) indique la mesure dans laquelle ils se sentent capables de gérer leur santé avec confiance. Aux États-Unis, la société Insignia Health est propriétaire de la licence de la PAM (Patient Activation Measure) et en autorise l’utilisation moyennant des frais raisonnables.
Dans une étude réalisée auprès d’adultes américains, Hibbard a constaté qu’un peu plus de 20 % des répondants se situaient dans les deux niveaux d’activation les plus bas. D’autres études effectuées dans plusieurs pays ont montré qu’entre 20 et 40 % de la population affichait des taux d’activation faibles ou très faibles.
Chez les patients souffrant de maladies chroniques, on observe une corrélation positive entre un score d’activation élevé et l’observance du traitement, le suivi de la maladie ainsi que le recours à des soins réguliers relatifs à la maladie. Des études propres à certaines pathologies (VIH, diabète, troubles mentaux) ont montré que les patients dont le score d’activation est élevé génèrent des coûts moindres, se retrouvent moins souvent à l’urgence et sont moins souvent hospitalisés. De plus, leur expérience client et leurs résultats cliniques sont meilleurs. Selon une étude réalisée auprès de personnes vivant avec le VIH, chaque hausse de cinq points dans le score d’activation était associée à une amélioration de la numération des CD4, de l’observance du régime médicamenteux et de la suppression virale.
Dans le rapport publié en mai 2014 par le King’s Fund, intitulé Supporting people to manage their health: An introduction to patient activation, Judith Hibbard et sa coauteure Helen Gilburt ont étudié les utilisations possibles de la mesure d’activation du patient, notamment dans des programmes visant à accroître l’activation du patient et dans l’affectation ciblée des ressources.
Les interventions qui contribuent à l’augmentation du score d’activation se concentrent sur l’acquisition de compétences et de confiance en soi. C’est le cas du programme d’autogestion des maladies chroniques de l’Université Stanford (connu sous le nom de Mon Atelier au CUSM), dont les résultats ont montré une augmentation de l’activation du patient, une amélioration dans les mesures d’autogestion et les résultats cliniques (A1c, LDL et IMC), ainsi qu’une diminution des hospitalisations. Les interventions les plus efficaces sont souvent celles qui sont établies en fonction du niveau actuel d’activation du patient, et les variations de ce niveau peuvent servir à l’évaluation des programmes.
La mesure d’activation du patient peut également servir à différencier les soins et à diriger les ressources là où le besoin est le plus pressant. Le rapport cite quelques exemples, dont des stratégies différentielles pour le dépistage des infections urinaires chez les patients souffrant de maladies chroniques. Ainsi, on a donné aux patients dont le niveau d’activation était élevé une trousse pour réaliser les tests à domicile, mais aux patients dont le niveau était faible, on a fixé des rendez-vous plus fréquents pour le suivi. Par ailleurs, un auxiliaire médical rencontrait ces derniers patients avant et après la consultation avec le médecin, ce qui a rendu la visite plus profitable et amélioré la capacité des patients de suivre les mesures requises (c.-à-d. prendre les médicaments). Dans 30 États américains, le soutien post-hospitalisation est maintenant adapté au score d’activation du patient.
Pour reconnaître l’utilité de la mesure d’activation du patient, un cadre politique propice doit être mis en place, selon Hibbard et Gilburt. La transition se fait souvent au moment où l’on décide d’évaluer l’efficacité du système de santé non plus en termes d’actes cliniques, mais de résultats cliniques. « En Angleterre, dit la professeure Hibbard, le succès ne se mesure plus en fonction du nombre de patients traités, mais du nombre de patients dont la santé s’est améliorée. Cela veut dire qu’il est de plus en plus important de démontrer l’efficacité des soins et d’intervenir en vue d’optimiser les résultats cliniques. »
En 2012, Leonard Kish, conseiller en technologies de la santé, a écrit dans son blogue ces célèbres paroles : « Si l’engagement du patient était un médicament, ce serait le médicament vedette du siècle, et on considérerait le fait de ne pas le prescrire comme une faute professionnelle. » Son commentaire donne à réfléchir, surtout à la question de la faute professionnelle qui est souvent omis de la citation. S’il s’avère qu’un modèle de soins produit des améliorations notables dans les résultats cliniques, l’éthique n’exigerait-elle pas qu’on l’offre à quiconque serait susceptible d’en bénéficier ? Les modèles de prestation et de trajectoire de soins ne font pas partie du panier de services que nous sommes tous en droit de recevoir en vertu de l’assurance maladie au Canada. Considérer ces modèles au même titre que les médicaments, les chirurgies, les consultations médicales nous aidera peut-être à pondérer la valeur de divers investissements dans l’amélioration des résultats sur la santé.
— Forum d’innovation en santé