En mars 2014, la Commission européenne a fait rapport sur deux enquêtes menées pour évaluer l’utilisation des outils de la santé électronique dans les hôpitaux et chez les omnipraticiens européens. Ces rapports ont été suivis au mois d’avril par un livre vert sur la santé mobile qui signale le lancement d’une vaste consultation sur les obstacles qui entravent aujourd’hui le déploiement de la santé mobile en Europe.
Pour établir le profil de chaque pays, l’enquête auprès des hôpitaux a déterminé 13 indicateurs regroupés sous quatre thèmes : infrastructures, applications (dossier médical électronique (DME), système d’archivage et de transmission d’images (PACS), ordonnances en ligne, consultation et suivi à distance), intégration (échanges avec les prestataires de soins externes) et sécurité. Les profils sont présentés sous forme de diagrammes comparant les résultats nationaux de 2012 à ceux de 2010, et aux résultats moyens 2012 pour l’ensemble de l’Union européenne. Un score de 0 à 5 est attribué à chacun : 0 correspond à un taux d’utilisation de 0 % et 5, à un taux de 100 %.
Le Danemark vient en tête, avec un taux d’utilisation de 66 %. Quant à la numérisation des dossiers médicaux, les Pays-Bas occupent la première place (83,2 %), le Danemark la seconde (80,6 %), et le Royaume-Uni la troisième (80,5 %).
En revanche, la participation des patients ne fait pas aussi bonne figure : seulement 9 % des hôpitaux européens permettent aux patients d’avoir accès à leur dossier médical en ligne, et la plupart ne leur donnent qu’un accès limité. Voici le commentaire de Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne, à ce sujet :
« Nous devons rapidement changer la mentalité du secteur de la santé. Le fait que 6 omnipraticiens sur 10 disent avoir recours aux outils de la santé électronique montre qu’ils s’y intéressent, mais pas suffisamment. Il est de faire le grand saut ! Et seulement 9 % des hôpitaux qui donnent aux patients accès à leurs propres dossiers médicaux… c’est aberrant ! Je veux que les gouvernements, les sociétés de haute technologie, les assureurs, les pharmaceutiques et les hôpitaux unissent leurs efforts pour créer un système de santé novateur et rentable — avec plus de contrôle et de transparence pour le patient. »
Le deuxième enquête, sur l’utilisation des outils de la santé électronique dans les soins primaires, indique que:
- les technologies de l’information et de la communication de base (TIC) sont très répandues dans les cabinets médicaux, c’est-à-dire un ordinateur avec accès Internet (97 % des omnipraticiens) ;
- les dossiers de santé électronique (DSE) le sont un peu moins (93 %) ;
- l’échange des données sur la santé, les consultations à distance et les dossiers de santé personnels le sont beaucoup moins.
Les médecins mentionnent certains obstacles à l’utilisation des outils de la santé électronique, dont l’absence d’incitatifs financiers, d’interopérabilité et de cadre réglementaire définissant les normes de confidentialité et de protection des renseignements privés.
L’utilisation des outils par catégorie montre que les médecins se servent principalement du DSE pour les ordonnances (92 %) et les tests (80 %), mais seulement 25 % pour les radiographies. La plupart du temps, ils précisent que cette dernière fonctionnalité n’est pas offerte par leur DSE.
Quant à l’échange de données sur la santé, 64 % des médecins reçoivent régulièrement les résultats de laboratoire, 32 % envoient et reçoivent des références médicales ainsi que des avis de congé, tandis que moins de 25 % transmettent des ordonnances aux pharmaciens et seulement 14 % font de la téléconsultation auprès des patients.
La télésanté a réussi de modestes percées dans la formation : 16 % des médecins l’utilisent régulièrement, 19 % occasionnellement, mais seulement 4 % l’utilisent pour des consultations à distance et 1 % pour le suivi des patients à domicile.
Le dossier de santé personnel (DSP) n’en est qu’à ses débuts, avec moins de 5 % des médecins mentionnant que leurs patients l’utilisent pour enrichir leurs données médicales, consulter les résultats d’examen ou demander une référence médicale; 13 % l’utilisent pour obtenir une ordonnance ou un rendez-vous.
La position du Canada
Selon l’enquête 2012 du Fonds du Commonwealth, 56 % des omnipraticiens canadiens utilisent les DSE, comparativement à 37 % en 2009. Le rapport annuel 2013 d’Inforoute Santé précise que toutes les provinces ont mis en place des systèmes d’imagerie diagnostique, six d’entre elles ont adopté des systèmes d’information sur les médicaments et six également ont des systèmes de laboratoire. Comme leurs homologues australiens, les omnipraticiens canadiens sont les moins nombreux à offrir à leurs patients un accès électronique. De même, ils étaient moins nombreux que leurs collègues d’autres pays à partager l’information avec d’autres professionnels de la santé.
La santé mobile
Les États-Unis et la Chine se distinguent comme des précurseurs dans l’adoption des technologies mobiles pour transformer les soins de santé, selon le Centre for Technology Innovation de Brookings. Aux États-Unis, la santé mobile sert souvent à réduire les coûts, tandis qu’en Chine, son but premier est d’accroître l’accès aux soins primaires. Les activités de suivi représentent 65 % des occasions d’affaires sur le marché mondial. Les principaux enjeux sur le plan de la politique publique, selon le rapport, ont trait aux restrictions d’utilisation (par exemple la Chine autorise les consultations, mais non les ordonnances ni les traitements), au remboursement limité pour la prestation des services et aux incertitudes liées à la réglementation des produits de la santé mobile.
À la Conférence 2010 de l’IASI-CUSM, des chefs de file canadiens, néerlandais, britanniques et américains ont donné des présentations décrivant l’architecture et la mise en oeuvre de leurs TIC. Voir:
Richard Alvarez (Canada) : Qu’est-il arrivé au dernier milliard de dollars investi dans les TI en santé ?
Otto Larsen : Les TI au Danemark : une culture de responsabilité publique
Charles Gutteridge : Les TI peuvent-elles libérer le NHS britannique ?
Rob Kolodner (É-U) : TI en santé : à la fine pointe de la situation