Par Philippe Couillard, Howard Bergman, Anita Brown-Johnson, Michel Clair, Alain Robillard, Joe Sardi, Barry Stein, Helen Stevenson
À l’heure actuelle, les provinces gèrent la prestation et la couverture des médicaments, des soins de longue durée et des soins à domicile en fonction de leurs propres ressources et priorités. Lors d'une discussion en table ronde présidée par Philippe Couillard dans le cadre du programme 2011 de l'IASI-CUSM, des participants de divers secteurs de la santé ont été invités à explorer l’incidence du maintien de l’exclusion de ces services de la Loi canadienne sur la santé. Ils ont examiné les conséquences de ce traitement particulier sur l’efficacité et l’équité du système de santé ainsi que les avantages et inconvénients d’une éventuelle inclusion des médicaments, des soins de longue durée et des soins à domicile dans la Loi.
Introduction du président
Le modèle de l’assurance-santé porte sur les des produits et services que les Canadiens s’attendent à recevoir d’un régime public. À l’échelle nationale, il s’établit sur la Loi canadienne sur la santé (LCS), laquelle stipule que les provinces et les territoires doivent fournir à tous les Canadiens l’accès à des services médicalement nécessaires, dispensés par des médecins ou dans des hôpitaux, afin de recevoir les paiements de transfert du gouvernement fédéral. Les provinces et territoires ont mis en place des régimes additionnels pour des soins nécessaires mais non couverts par ces deux catégories. Ceux-ci varient et sont financés par des programmes fiscaux ainsi que des régimes d’assurance publics et privés. On se retrouve donc avec un système à deux branches, où les médecins et les hôpitaux sont traités d’une manière, et les médicaments, les soins à domicile et les soins de longue durée (ainsi que d’autres services) d’une autre — ce qu’André Picard a nommé les « absolus » et les « peut-être ».
Cette distinction constitue une différence importante entre le système de santé canadien et les systèmes d’autres pays développés, notamment en Europe. Le Canada se classe au sixième rang mondial en ce qui a trait aux dépenses de santé par habitant, mais malgré tout l’argent investi, les gouvernements du Canada n’assurent qu’un petit nombre de services en comparaison de la plupart des pays développés. Pour l’essentiel, les fonds publics sont concentrés dans les services dispensés par les médecins en milieu hospitalier. Les pays d’Europe de l’Ouest financent en général une gamme de services beaucoup plus vaste, tout en autorisant un plus grand nombre de formules de financement, surtout pour les services médicaux. La plupart des systèmes européens couvrent les aides visuelles et auditives, les médicaments et la réadaptation. Ici, ces services n’ayant pas été inclus dans l’assurance-maladie au moment de l’élaboration du régime, ils ne sont pas visés par les principes de la LCS.
La portée restreinte des services couverts par cette dernière préoccupe de plus en plus, car l’écart se creuse entre les ressources relativement stables consacrées aux hôpitaux et aux médecins et les coûts sans cesse croissants des services que le régime public ne considère pas comme des services de base.
Comment les lacunes du régime public affectent-elles l’efficacité et l’équité du système ?
Le Dr Howard Bergman a participé à l’élaboration du Système de services intégrés pour personnes âgées en perte d’autonomie (SIPA) après avoir vu dans les hôpitaux trop de patients en attente d’une place dans un établissement de soins de longue durée. À son avis, le système canadien est encore mal adapté à la prévention, à la prise en charge des maladies chroniques, à l’invalidité et au vieillissement. « En ce moment, nous constatons que ces populations reçoivent des soins de faible qualité; nous observons de l’insatisfaction chez les patients et les familles, et de la frustration chez les cliniciens, dit-il. Et l’utilisation excessive de ressources lourdes et coûteuses fait grimper les coûts, alors que nous pourrions faire les choses avec des moyens plus simples et obtenir des soins de meilleure qualité. »
La fragmentation joue un rôle central dans la responsabilité clinique. « Nous réussissons très bien dans les tâches qui relèvent de notre champ d’action, poursuit le Dr Bergman, mais bien souvent, nous poussons un soupir de soulagement quand un patient quitte notre établissement, car il devient alors la responsabilité d’une autre personne et d’un autre budget. »
Comme le mentionne le Dr Bergman, dans des réformes réussies (Kaiser Permanente aux États-Unis, et au NHS du Royaume-Uni, par ex.), la responsabilité clinique s’est accompagnée d’incitatifs financiers et du développement des soins primaires et communautaires.
La Dre Anita Brown-Johnson s’emploie à faciliter les transitions de l’hôpital à la communauté et vice-versa. Or, elle se heurte aux limites pratiques des principes d’universalité et d’intégralité de la LCS quand il s’agit de fournir les services dont les patients ont besoin pour conserver leur capacité fonctionnelle, par exemple une prothèse auditive, un tensiomètre à domicile, des traitements de physiothérapie ou des soins à domicile.
M. Michel Clair, président depuis 2001 du Groupe Santé Sedna, une entreprise qui gère 2 000 lits de soins de longue durée et l’équivalent de quelques centaines en aide et soins à domicile constate qu’il existe d’énormes inégalités dans l’accès aux soins à domicile, aux soins de longue durée et aux services d’assistance. « L’État en finance certains, mais pas tous, et refuse de garantir un accès universel aux soins infirmiers et aux services d’assistance en résidence ou à domicile, ou leur impose des restrictions. » Il reconnaît également que la situation actuelle où le système public indique aux patients où aller, précise les conditions d’accès et s’occupe du placement ne correspond pas aux attentes de la population. « Les gens veulent avoir la capacité réelle de choisir les ressources leur con?venant le mieux ainsi que leurs aidants naturels, dit-il ; ils veulent aussi pouvoir compter sur le gouvernement pour assurer un soutien financier à titre de payeur unique, principalement pour de l’assistance et des services professionnels spécialisés. » Par ailleurs, l’accès des patients en CHSLD et ressources intermédiaires aux omnipraticiens pose aussi problème. « En septembre 2011, à Montréal, la directrice régionale de médecine générale admettait que plus de 1 000 lits de soins de longue durée n’avaient pas de couverture médicale régulière, et c’est là un service couvert par la LCS. »
M. Joe Sardi, ancien directeur général et aujourd’hui conseiller de GE Healthcare, est convaincu que la technologie et les technologies de l’information disponibles aujourd’hui peuvent faciliter la transition des soins hospitaliers aux soins à domicile. « Cependant, pour que les soins soient dispensés autrement, les pratiques et les incitatifs du système doivent s’adapter, affirme-t-il. Si le système permettait de rémunérer et de reconnaître le travail d’équipe requis pour fournir des soins à domicile de qualité, la satisfaction des patients, la qualité des soins et l’accès y gagneraient beaucoup. »
En 2011, GE et Intel ont formé une co-entreprise spécialisée dans les soins à domicile, qui cherche à démontrer les économies considérables que l’on pourrait réaliser tout en améliorant la qualité des soins. Elle s’emploie à mettre sur pied un vaste projet qui justifierait les investissements requis par le gouvernement pour changer le lieu de prestation des soins.
Selon les Drs Bergman et Brown-Johnson, le régime d’assurance-médicaments du Québec, un partenariat public-privé qui veille à ce que tous les citoyens soient couverts par un régime d’employeur ou le régime de l’État, a réussi à résoudre le problème d’accessibilité pour la vaste majorité. Les personnes âgées peuvent aller d’un milieu à un autre sans perdre leur couverture. S’ils sont à la maison, ils sont couverts par le régime d’assurance-médicaments du Québec, reconnaît M. Clair, et ils ont accès à un vaste éventail de médicaments. « Certains problèmes peuvent se poser lorsqu’ils entrent dans un établissement de soins de longue durée, poursuit-il, les médicaments faisant alors partie du budget de ces établissements, mais les contraintes budgétaires, en général, n’ont pas nui à l’accès aux médicaments pour les personnes âgées. »
La couverture n’est pas si égale dans d’autres provinces canadiennes. Et aucun régime, qu’il soit géré par l’État ou l’employeur, n’échappe au problème de la hausse des coûts. Mme Helen Stevenson, présidente de Reformulary Group, ancienne sous-ministre adjointe de la Santé et directrice générale des Programmes de médicaments de l’Ontario, mène de front le dossier de l’abordabilité des médicaments. « Les médicaments comptent pour plus de 26 milliards de dollars par année, et la question d’abordabilité préoccupe les régimes fédéral et provinciaux ainsi que les assureurs privés et publics », dit-elle. Pour les responsables des régimes d’assurance-médicaments, le grand défi est de veiller à l’utilisation adéquate des médicaments, et cela exige des décisions fondées sur des données probantes relatives aux bienfaits, aux dangers et aux coûts.
Il devient de plus en plus pressant pour les régimes privés de se pencher sur la question des médicaments onéreux. M. Alain Robillard, membre du partenariat chez Mercer, décrit que ses activités quotidiennes l’amènent à interagir avec de grandes organisations pour essayer de mettre sur pied des régimes collectifs qui couvriront les besoins de santé que l’assurance-maladie ne prend pas en charge. Les enjeux à cet égard sont de taille pour les employeurs. « Il y a 15 ans, les coûts liés aux régimes d’avantages sociaux représentaient entre 1 % et 3 % de la masse salariale, contre 6 % et même 10 % aujourd’hui. »
Les employeurs ont donc intérêt à réduire les coûts tout en optimisant la couverture de manière que leurs régimes soient concurrentiels par rapport à ceux d’autres employeurs. Pour M. Robillard, le recours accru aux médicaments génériques, comme le stipule la législation provinciale, est un pas dans la bonne direction, mais l’arrivée de médicaments onéreux pose un énorme défi. « Dans une étude réalisée avec un groupe multi-employeur qui compte quelque 40 000 employés, dit-il, nous avons découvert que 12 médicaments comptent pour 10 % des dépenses totales. Chez un autre client, dont l’effectif total est de 60 employés, la facture de médicaments de trois d’entre eux s’élève à plus de 100 000 $ par année ; nous sommes actuellement en pourparlers avec l’assureur quant à l’avenir de la couverture de ce groupe. » L’assurance doit demeurer abordable pour les employeurs, sinon certains pourront réduire, voire éliminer, leurs régimes collectifs d’avantages sociaux.
A-t-on les moyens d’offrir une couverture plus vaste ?
« Le problème auquel nous faisons face, souligne le Dr Couillard, est de corriger les inégalités créées par la concentration massive du financement sur les services médicaux et hospitaliers, aux dépens d’autres services qui répondent à la nouvelle réalité, caractérisée notamment par la maladie d’Alzheimer et les maladies chroniques. » La façon la plus simple d’y remédier, qui serait de réduire la couverture des médecins et hôpitaux et d’augmenter le financement public d’autres services, demeure politiquement impossible. En outre, il est peu probable que les gains d’efficience suffisent à dégager des économies suffisantes dans le système public. « De toute évidence, il faudra une nouvelle formule de financement si l’on veut élargir la couverture de l’État au Canada », a-t-il ajouté.
Considérant les projets au Québec, ailleurs au Canada et à l’échelle internationale, le Dr Bergman croit que la couverture élargie des soins à domicile et des soins de longue durée peut être abordable, à la condition d’apporter d’importants changements à l’organisation des soins. « Dans le cadre du projet SIPA, explique-t-il, nous avons opéré la transition des soins institutionnels dispensés dans les hôpitaux et les centres d’hébergement vers les soins communautaires. Nous avons réduit les coûts relatifs aux cas les plus lourds et aux patients vivant seuls, et ce, sans entraîner une hausse globale des coûts. »
Dans la région de Montréal, rapporte le Dr Bergman, les hôpitaux, l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal et le ministère de la Santé et des Services sociaux ont commencé à examiner les ressources que les hôpitaux pourraient transférer en vue de fournir des soins dans des lieux plus appropriés, par exemple au sein de la communauté ou à domicile. Il a aussi décrit une absurdité trop répandue, c’est-à-dire le cas d’un hôpital jouxtant un centre d’hébergement doté d’une aile pour les cas d’Alzheimer et de troubles de comportement qui garde de tels cas parce que le centre d’hébergement n’a plus de place. Il faut transférer les ressources, d’une manière ou d’une autre, pour que le centre puisse ouvrir plus de lits.
Le Dr Couillard suggère de réformer les modes de paiement — des professionnels et des établissements — à la fois pour favoriser les efficiences et pour élargir la couverture de manière à répondre plus adéquatement aux priorités actuelles. Un système d’enveloppes budgétaires va plus loin que le paiement à la performance, souligne le Dr Bergman, car la responsabilité envers la population est prise en compte. « La Dre Brown-Johnson croit que la réforme québécoise des soins primaires et la restructuration continue des services post-hospitaliers (y compris les soins de longue durée), guidées par le modèle populationnel de prestation des services de santé, permettent une transition progressive vers les soins communautaires et les soins à domicile — avec quelques crises de croissance cependant.
M. Clair estime pour sa part que la résistance au changement provient de sources diverses. Bon nombre de parties prenantes croient qu’elles ont davantage à perdre qu’à gagner. « Plusieurs groupes d’intérêt, et ce serait injuste d’en isoler un, visent d’abord à répondre à leurs propres besoins, et ensuite aux besoins de patients », a-t-il ajouté.
Il est important de rendre intéressant le travail des professionnels de la santé dans tout le continuum de soins. La Dre Brown-Johnson rapporte les récentes difficultés d’un programme québécois qui a dû fermer des lits temporairement en raison d’une discontinuité dans les services médicaux. « Le programme a entraîné d’importants changements dans la charge de travail des médecins, explique-t-elle, et amené dans des centres d’hébergement des patients exigeant des soins et des services accrus pendant la nuit, sans que les dispositions nécessaires aient été prises pour adapter la rémunération des médecins à cette activité clinique. La réforme de la rémunération est certes un élément de la solution. »
Selon M. Barry Stein, président de l’Association canadienne du cancer colorectal, le scepticisme à l’égard du changement vient en partie du fait que tous savent que la réduction des coûts, et non une plus grande efficacité dans la prestation de meilleurs services, est le principal incitatif au changement. « La question des coûts occupe l’avant-plan de toutes les rencontres avec le ministre et le sous-ministre, affirme-t-il. L’objectif initial de la Pan Canadian Oncology Drug Review était de réduire les coûts, et non d’accroître l’efficacité. »
On examine actuellement un genre de paiement à la performance pour les médicaments, c’est-à-dire, selon Mme Stevenson, « que les médicaments sont couverts seulement si le patient y répond comme il le devrait. Cette stratégie a été utilisée en Ontario pour certains médicaments et produits biologiques qui coutaient plus cher — dans des cas où les gouvernements hésitent grandement au sujet de la couverture. ». L’autre stratégie que la province essaie d’introduire est la réforme de la rémunération des médecins qui prennent en charge un patient diabétique de A à Z. « On espère que cette stratégie amènera le médecin à se sentir davantage responsable de l’état de santé général du patient et contribuera à l’intégration des soins. »
Quels seraient les avantages et les inconvénients d’intégrer à la LCS la couverture des médicaments, des soins à domicile et des soins de longue durée ?
Le Dr Couillard raconte avoir été pris au dépourvu en lisant un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), publié en 2009, qui décrivait la partie du système de santé canadien non couverte par la LCS comme un système à l’américaine — où les patients devaient naviguer d’un fournisseur privé à un autre, et où l’assurance privée ainsi que les moyens financiers jouaient un rôle prépondérant dans l’accès aux services et les résultats obtenus.
Les participants de la table ronde ont reconnu que les inégalités de couverture entre les services assurés et non assurés par la LCS nuisaient à l’intégration des soins et à une meilleure utilisation des ressources, mais peu se sont montrés favorables à l’inclusion des médicaments, soins à domicile et soins de longue durée dans la LCS. Selon eux, un changement législatif ne suffirait pas à réduire les obstacles à l’accès dans ces domaines. « Élargir la LCS pour y inclure d’autres produits et services est une question très théorique quand on sait qu’il faut déjà se battre pour avoir accès aux services de base couverts par la Loi, dont ceux des omnipraticiens, des spécialistes et des infirmières pivots, rappelle M. Clair. Si l’introduction des soins de longue durée et des services à domicile sous l’empire de la LCS emmène une bureaucratisation additionnelle similaire à celle qu’on peut vivre aujourd’hui dans l’accès aux médecins, et bien, on n’en veut pas. Mais si c’est l’occasion de changer de paradigme et de voir l’état comme étant un régulateur de dispensateurs de services avec des garanties d’accès aux services en temps utile, et bien ça serait favorable. »
Selon M. Stein, bon nombre de changements jugés souhaitables par les participants pourraient se faire dans le contexte de la LCS, telle qu’elle est maintenant. « Moyennant quelques améliorations, il serait plus facile de dégager des ressources et d’apporter des changements qui favoriseraient l’accès et la continuité des soins. »
Selon Mme Stevenson, les médicaments se distinguent des autres services de santé en raison de la tension dynamique existant entre les gestionnaires de régimes gouvernementaux qui doivent tenir compte de la position des parties prenantes d’une part, et les fabricants qui doivent déterminer l’importance à accorder à celle-ci par rapport à leur responsabilité envers leurs actionnaires d’autre part. « Si les médicaments venaient à être généralement considérés comme des services médicalement nécessaires et placés à ce titre sous l’égide de la LCS, il serait dommage de compromettre les progrès qui ont permis jusqu’à maintenant d’appuyer le processus décisionnel sur des données probantes cliniques et des données de coût-efficacité. »
Avec le renouvellement de l’Accord sur la Santé qui approche, les participants ont également abordé la question de la Stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques, qui avait été incluse dans l’Accord avec enthousiasme en 2004, mais qui a donné peu de résultats en définitive. Ayant participé à ces réunions comme ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, le Dr Couillard se rappelle que les représentants fédéraux se montraient peu intéressés à s’engager dans la discussion en 2004. « Ce dossier était toujours écarté », a-t-il précisé. Mme Stevenson, qui y participait par après, se souvient que des initiatives fédérales/provinciales/territoriales ont tenté d’établir un genre de collaboration nationale pour les médicaments, que ce soit pour la couverture de maladies graves ou pour une liste de médicaments nationale. « Ce type de mécanisme, affirme Mme Stevenson, davantage que l’intégration à la LCS, favoriserait un processus décisionnel fondé sur des données probantes et améliorerait l’accès. » En ce moment, à titre de présidente de Reformulary Group, elle travaille pour le compte d’assureurs privés voulant mettre sur pied un important groupe d’achat national, ce qui pourrait offrir un autre moyen de faire progresser le dossier des médicaments.
M. Robillard reconnaît que la solution dépend moins d’un changement à la LCS que d’une collaboration interprovinciale pour la prise en charge des médicaments onéreux, possiblement par l’intermédiaire d’une assurance nationale qui permettrait de répartir le risque sur une plus grande échelle. Selon lui, des problèmes surviendront à l’avenir si la responsabilité des médicaments onéreux revient entièrement aux employeurs et aux assureurs. « Nous espérons que les assureurs, sous la pression d’employeurs ou de tiers payeurs, appuieront un mécanisme de regroupement national unique pour les médicaments onéreux, a-t-il dit. Mais nous devons agir avant que l’assurance-médicaments devienne inabordable pour les employeurs et leurs employés. »
Les participants se sont également penchés sur la question d’innovation et d’excellence. D’après M. Stein, nous n’obtiendrons pas de meilleurs services pour les médicaments, les soins à domicile et les soins de longue durée en ajoutant simplement ceux-ci au mécanisme de financement de l’assurance-maladie. « Nous avons plutôt besoin d’innovation pour obtenir les meilleures ressources possible partout au pays et atteindre l’excellence. » Il donne à cet égard des exemples de programmes réussis, dans des secteurs couverts et non couverts par l’assurance-maladie, notamment l’assurance-médicaments du Québec, le programme d’accès aux médicaments contre le cancer de la Colombie-Britannique et le régime de soins à domicile de l’Ontario.
« Le vrai défi, maintient M. Clair, c’est d’aligner les incitatifs financiers (la manière de répartir les ressources) et de promouvoir l’intégration clinique et la responsabilité clinique dans l’ensemble des soins. Nous avons besoin d’innovation, et cela exige d’abord de changer la manière dont nous payons les fournisseurs de soins, de donner le volant aux patients pour qu’ils aient la capacité de faire des choix, et de faire en sorte que les ressources financières puissent appuyer ces choix. »
Selon M. Sardi, le gouvernement fédéral pourrait appuyer des projets pilotes portant sur divers moyens de financement et de prestation des services de santé, puis montrer comment effectuer la transition vers les soins à domicile. Comme modèle de financement, on pourrait s’inspirer d’Inforoute et de la Fondation canadienne pour l’innovation.
Qui prendra les commandes ?
Les participants s’entendaient généralement pour dire qu’on ne peut compter sur le gouvernement pour piloter le changement qui amènera une couverture publique élargie des services ne relevant pas de la LCS. En 2000, la Commission dirigée par M. Clair recommandait la mise en œuvre d’un nouveau régime d’assurance public prépayé pour les soins de longue durée et les soins à domicile. « Nous avions vu venir les transformations démographiques, dit-il. Mais même si la plupart de nos recommandations ont été bien reçues par l’opinion publique, celle-là a été éliminée d’emblée. Tous les journaux et les façonneurs d’opinion l’ont interprétée comme une nouvelle taxe pour les personnes âgées, ce qui allait à l’encontre de l’équité intergénérationnelle, alors qu’il n’en était rien. »
Selon lui, ce n’est pas seulement le gouvernement mais la population entière qui doit être tenue responsable du refus de payer pour un régime de soins à domicile et de soins de longue durée de qualité. « On ne peut demander aux élus d’en faire beaucoup plus que ce que la population est prête à faire. »